Entre Grißheim et Zienken

45 kilomètres

Franchement, quand il souffle un vent comme aujourd’hui et que vous êtes à vélo, je vous recommande vivement de choisir votre itinéraire en fonction du vent, et de privilégier la direction de celui-ci ! Parmi ces 45 kilometres,quelques-uns nous ont coûté, vent en pleine face ou 3/4 face. Mais la plupart des kilomètres ont filé presque tout seuls, tant Eole nous portait !

Le critère majeur de recherche de bivouac ce soir, outre la distance réduite à Neuenburg, était de trouver un recoin abrité de ce vent de folie, une bise forte et froide. Chose faite !

Ce matin nous avons quitté sous un soleil radieux notre bivouac charmant. Je me suis rappelé in extremis que je devais récupérer mon téléphone remis à charger… Nous avions accédé au site par une petite rampe raide ponctuée de quelques grosses racines, suivie d’une petite passerelle en rondins grossiers. Très bucolique ! Mais pour repartir, la route forestière carrossable était pas mal ;^) Un 4×4 était arrivé par là hier, une dame venue s’occuper des jardinières autour de la terrasse où nous avons mangé.

Nous repassons au pied de Burkheim,

sans nous y arrêter : nous filons directement vers Breisach am Rhein.

Détruite à 85% pendant la seconde guerre mondiale, la ville a résolument choisi de cultiver la paix et l’amitié franco-allemande. Elle a pesé dès les années cinquante en faveur de la construction européenne. Quelle Europe se représentaient-ils à l’époque ? L’Europe que nous connaissons y ressemble t elle ?… Dans chaque village ici, comme en France, un monument aux morts exhorte le passant à se souvenir du massacre que chacune des deux guerres mondiales a été pour les hommes du village… et parfois la liste paraît bien longue par rapport à la taille du village.

À Breisach il y a également un mémorial au curé de la cathédrale, mort en déportation pour s’être opposé au régime nazi ; un mémorial aux juives et juifs déportés dans un premier temps à Gurs, sud-ouest de la France. Il y a des choses qu’on ne connaît pas tellement de l’histoire de notre propre pays, tiens…

À Breisach il y a un vélo rigolo,

le souvenir du glacier italien qui avait servi à Baptiste, 15 mois, sa première glace en 2011 lors de notre première virée à vélo – et nous le retrouvons ! 2 boules chacun sans même devoir négocier avec les parents : les enfants sont stupéfaits et ravis  (et les glaces délicieuses).

C’est que cela nous a frappés ces jours-ci : même quand il fait froid, voire froid et gris, de ce côté du Rhin on croise souvent quelqu’un une glace à la main ! Alors sans cette glace, il aurait manqué quelque chose de typique à notre petit voyage en Allemagne.

C’est la glace à la main que nous gagnons les hauteurs, pour voir le Münster, la vue sur le Rhin, la plaine d’Alsace et les Vosges, puis le jardin du couvent où, avec Justine et Marjorie en juin dernier, nous avions mangé, sur une sorte de transat géant, avec vue sur le Kaiserstuhl et la Forêt Noire.

Nos vélos devant l’office de tourisme

On reprend la route, direction Ihringen, soit est-nord-est à quelques kilomètres. Bon, le vent n’approuve manifestement pas notre choix d’itinéraire ! Sur la voie cyclable double-sens étroite, on peut rarement pousser Marjorie, qui pleure la difficulté de rouler face au vent implacable, comme moi il y a 13 ans sur le canal stalinien du Danube après Bratislava. Le casse-croûte du déjeuner tardif (les glaces nous ont decalés !) pris sur la place de l’hôtel de ville la réconforte, comme tout le monde. Sébastien fait probablement sa sieste la plus intrigante  Il a trouvé un coin à l’abri du vent !

Des gens en passant regardent, on ne sait ce qu’ils se disent, mais… bref, Sébastien a bien dormi,  et nous on a bien rigolé !!

On laisse les enfants jouer sur la place – toilettes toutes proches – pour aller faire un tour tous les deux dans ce village très bruyant, beaucoup de voitures partout (souvent au cœur du village il y a une ou deux rues plus paisibles). Pas très longue la visite : mon pouce droit coincé dans la porte de l’église qui s’est rabattue brutalement, je n’ai pas la tête très disponible à regarder autour, et le village n’est pas très bucolique. Rien de grave, pas de plaie, c’est juste un mauvais moment à passer ! Mais je fais plein de fautes de frappe, là, parce que mon pouce encore légèrement gonflé ne se plie pas exactement comme d’habitude. Et même sur le clavier tactile du smartphone, je tape assez vite avec mes deux pouces !

D’Ihringen, situé au flanc sud du Kaiserstuhl, nous repartons par le vent de nord-est (comme on repart par le train de 15h06), et nous avalons allègrement les kilomètres, seulement gênés par quelques cheveux dans les yeux ou la bouche parfois ! C’est le seul inconvénient du vent dans le dos ;^)

Plein d’eau en traversant un village, en ressortant de la cour Sébastien sent son pneu avant tout mou, on en extrait un morceau de métal pointu. Réparation express, et on reprend le vent !

Arrêtés quelques minutes pendant que Sébastien va reconnaître un chemin pour dénicher une zone plate et abritée du nord-est, on mesure à quel point ce vent est fort et glacial ! Il revient victorieux : petite clairière sous le couvert des arbres (encore nus), en contrebas, abritée, ail des ours inclus ! Il est déjà 19h15, on s’active tous à préparer le bivouac : montage des tentes, installation des dortoirs et préparation de la popote sont menés de front. Nous ne sommes plus qu’à quelques kilomètres (5-6) de Neuenburg ! Sébastien me jugeait bien optimiste quand je lui annonçais, ce matin ou en cours de journée, que nous pourrions nous en approcher autant :^)

Au programme demain : courses à Neuenburg, franchissement du Rhin, puis train soit à Bantzenheim, soit directement à Mulhouse.

Vers Burkheim

25km

Cette nuit nous avons entendu passer quelques voitures sur la route, quelques trains sur la voie ferrée. Nous avons entendu des oiseaux de nuit, un chevreuil. Rien que de très ordinaire ! Mais un bruit de moteur moins commun nous a réveillés à 3 heures du matin. Est-ce que ça se rapproche ? Où est-ce ? Sur le chemin ? Dans le champ ? J’ai mis mes lunettes pour aller voir. Dans l’abside, le temps d’enfiler mes baskets, puis me voilà dehors.

Ce bruit de moteur, c’est un hélicoptère en stationnaire, non loin, peut-être au-dessus de nous. Déjà il s’éloigne, Sébastien venu me rejoindre  le voit arrêter son avancée un peu plus loin, repartir encore, disparaître à l’horizon. Ce genre de visite nocturne, nous ne l’avions jamais eu !

Je profite de ce temps nocturne calme pour m’occuper de répondre aux messages et mails en retard, puis me rendors à mon tour.

Réveil sans vent dans notre petit recoin bien abrité, rangement et pliage efficaces. La pluie éventuelle annoncée ne vient pas, on ne s’en plaint pas ! Ayant rejoint la route, avant de démarrer on prend en photo nos filles équipées à l’identique :

(Hasard amusant des approvisionnements, rien d’intentionnel ! Merci aux Lilileo pour le prêt des sacoches de Justine, de Baptiste et de mon guidon !)

Nous passons sans nous arrêter au village le plus au nord du Kaiserstuhl (et de notre petit voyage, donc), Riegel am Kaiserstuhl, et filons au suivant, Endingen am Kaiserstuhl. De très jolies maisons, de belles fontaines octogonales, souvent anciennes, à tous les coins de rues. Mais d’abord, dans la rue principale pavée, une sensation d’étouffement et d’agression tant il y a de circulation et tant elle est bruyante ! Ça rappelle un peu l’impression vécue à Sancerre… et il y a 13 ans, les voitures étaient moins grosses. Ici nous voyons, ces derniers jours, beaucoup de très gros SUV.

Heureusement, une fois les vélos garés près de la fontaine en bas de la Marktplatz,   c’est dans des ruelles vraiment apaisées que nous faisons notre petit tour à pied, muni du plan proposé par l’office de tourisme. Nous y avons trouvé une très belle carte représentant la Forêt Noire et ses alentours mettant bien enévidence les reliefs, très semblable à l’une des cartes emportées, centrée elle sur la plaine du Rhin, alsacienne et badoise, bordée par les Vosges et la Forêt Noire.

Le soleil chauffe déjà un peu, mais chaque nuage et sa bise glacée font chuter la température. On se décide à aller déjeuner chaud et au chaud, au kebab faute de boulangerie ouverte ! Les enfants sont ravis. Le téléphone aussi recharge sa batterie, du coup 😁

On reprend la route à 13h30, de village en village, Königshaffhausen, puis comme hier nous abandonnons le pur contournement à plat pour s’engager là où les reliefs sont abordables pour nous.

Leiselheim, Jechtingen, petite pause dans un bel espace en contrebas du chemin, où les enfants aimeraient bien bivouaquer mais il n’est que 15h30 ! On fait une partie de Mille Sabords, puis une sieste pour certain 😉 pour profiter quand même de ce lieu très agréable.

À Burkheim nous laissons nos vélos à l’intersection et montons à pied. Dominée par une ruine imposante, cette bourgade a une histoire étonnante, où structure géographique et structure sociale se montrent intimement liées : un ancien bras du Rhin, avant les travaux de détournement de l’ingénieur Tulla, alimentait diverses zones d’eau, vive ou dormante, jusqu’au pied de la commune. En bas (Unterstadt) vivaient, pauvrement et travaillant dur, des pêcheurs (et des moustiques).

La ville moyenne (Mittelstadt) était le lieu du commerce, de l’artisanat (forgeron, charron…) et de l’administration. La ville haute (Oberstadt) s’ouvre sur les vignes, qui depuis des siècles sont cultivées dès après le mur d’enceinte. Y vivaient les exploitants et les ouvriers viticoles. Et l’on voit, dans tous les villages traversés, qu’ici comme en Alsace ou en Bourgogne la vigne et le vin permettent de vivre bien !

Breisach am Rhein (Vieux Brisach) n’est plus qu’à 9 km, et le vent pousse… mais nous faisons demi-tour, le plein d’eau (2 bouteilles offertes, impossible d’obtenir d’eau du robinet) et retournons bivouaquer à cet endroit de rêve !

Baignade du soir pour Sébastien !
Il y a de la lumière et de quoi charger les téléphones !
En dessert on a fait un sort à la confiture de fraise offerte par Sonia hier.